Les cassettes de l'exil. De Paris à Santiago du Chili, une correspondance au temps de Pinochet

Willy et Ismael, août 1977 en Bulgarie - @ Fonds privé, collection personnelle Ismael Oddó
Willy et Ismael, août 1977 en Bulgarie - @ Fonds privé, collection personnelle Ismael Oddó
Willy et Ismael, août 1977 en Bulgarie - @ Fonds privé, collection personnelle Ismael Oddó
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En plongeant dans les cassettes de Willy Oddó, musicien et chanteur du groupe mythique des Quilapayún, Frédérique Pressmann nous fait découvrir ces récits d'exil après le coup d'État de Pinochet au Chili. De Willy à Ismael Oddó, entre père et fils, une histoire de transmission.

Une Expérience signée Frédérique Pressmann, réalisée par Clémence Gross
avec la collaboration de l’Institut Français du Chili.

Au départ, il y a des images venues d’un autre temps : des hommes vêtus de longs ponchos noirs se tiennent debout sur scène, très droits. Les chansons qu’ils interprètent parlent de justice sociale, leurs mélodies raffinées sont ancrées dans la tradition andine. Ce sont les Quilapayún, groupe fondé à la fin des années 60 qui incarne l’essence de la nueva canción chilienne, à telle enseigne qu’il fut nommé ambassadeur culturel du Chili à l’étranger par le président Salvador Allende.

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En septembre 1973, les “Quila” se trouvaient à Paris pour une série de concerts quand le coup d’État eut lieu et Allende fut renversé. C’est ainsi qu’ils eurent la vie sauve et que débuta pour eux une période radicalement nouvelle. À l’invitation du maire communiste de Colombes, les dix membres du groupe et leurs familles s’installèrent dans la ville, au sein d’une même tour. Là, ils durent se réinventer une vie, entre créativité musicale intense et douleur de l’exil.

Ismael Oddó est né de cet exil. Son père, Willy Oddó, est un des piliers du groupe. Ismael a grandi à cheval entre culture française banlieusarde et souvenirs d’un Chili révolutionnaire et fantasmé. Mais en octobre 1988, lorsque le pays se rouvre, Willy décide de rentrer au plus vite. Il quitte les Quilapayún, devenus immensément célèbres au niveau mondial, pour retrouver son pays et jouer un rôle actif dans sa reconstruction. Ismael suit ; il a 14 ans. Désormais, sa vie se déroulera de l’autre côté de l’Atlantique.

Quelques cassettes de Willy, avec les noms des destinataires
Quelques cassettes de Willy, avec les noms des destinataires
- @ Fonds privé, collection personnelle Ismael Oddó

Il y a quelques années, la tante d’Ismael lui a remis une boîte contenant des cassettes : il s’agissait des lettres audio envoyées par Willy à ses proches pendant les 15 années de son exil français. Entretemps, Willy est mort et Ismael, devenu musicien, a repris sa place au sein des Quilapayún. Dans ces cassettes, des heures et des heures de témoignage dans lesquelles Willy relate son quotidien de musicien, ses joies de jeune père, la douleur d’être loin, la souffrance d’avoir vu son idéal politique renversé. À travers ces récits intimes, on retrouve en coupe tout un pan de notre histoire récente qui démarre avec une des plus belles expériences politiques des années 60 pour s’achever avec la création du premier régime néolibéral au monde. Une histoire qui passe aussi par la culture alternative du Paris des années 70-80, dans laquelle les réfugiés chiliens ont joué un rôle important. Et qui rejoint notre présent troublé ; dans les mouvements sociaux qui ces dernières années ont secoué le Chili comme de nombreux autres pays, un même chant revient qui incarne l’espoir de la victoire : c’est  El pueblo unido jamás será vencido, chanson emblématique des Quilapayún devenue hymne planétaire.

Les Quilapayún à Colombes, en bas de la Tour Z, en 1974
Les Quilapayún à Colombes, en bas de la Tour Z, en 1974
- @ Fonds privé, collection personnelle Ismael Oddo

En plongeant dans les cassettes de Willy, Frédérique Pressmann revisite cette histoire, sur le versant sensible, à travers le vécu de cette famille particulière. Une nouvelle correspondance audio de Paris à Santiago entre Ismael et Frédérique, menée avec les moyens technologiques d’aujourd’hui, vient éclairer et compléter les archives de Willy. À près de 50 ans de distance, par le miracle de la radio, Frédérique Pressmann recrée un dialogue entre le père et le fils. À eux deux, ils racontent une histoire de transformation et de désillusion, mais aussi de fidélité à soi-même et à ses idées. Une histoire d’amour, de lien et de transmission qui survit à la destruction et à la mort.

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Filmographie

Générique

Avec : Ismael Oddó

Et la voix de : Willy Oddó

Musique :  Canción de la partida, extraite du disque Canciones Con mi viejo d’Ismael Oddó

Prise de son : Virginie Lorda et Johanna Gabric 
ainsi que Francisco Fuenzalida à Santiago

Mixage : Claire Levasseur

Réalisation : Clémence Gross

Une création sonore de Frédérique Pressmann

Ce documentaire a reçu le soutien de l' Institut Français du Chili

Remerciements

Merci à Malika, Bruno, Andrés, Merle et Lucas.
Merci surtout à Ismael pour sa confiance.

Concert hommage à Allende et Neruda en 1974
Concert hommage à Allende et Neruda en 1974
- @ Fonds privé, collection personnelle Ismael Oddó
Lors du Grand Echiquier de Jacques Chancel consacré aux Quilapayún en 1980
Lors du Grand Echiquier de Jacques Chancel consacré aux Quilapayún en 1980
- @ Fonds privé, collection personnelle Ismael Oddó
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L'Expérience
58 min

L'équipe