Chronique|

L’atrophie financière des aînés

Même s’ils ne sont pas dépendants du personnel d’un CHSLD ou confinés dans une résidence privée pour personnes âgées, des aînés réclament l’aide de Québec et d’Ottawa. Ils craignent les contrecoups de la crise sur leurs revenus.

CHRONIQUE / Le confinement, la solitude et le stress affectent la santé mentale et physique des personnes âgées. L’insécurité financière également. Ottawa et Québec doivent donc y voir.


Comme le dit si bien le Dr Horacio Arruda, il n’y a pas que les maladies infectieuses qui sont des déterminants de la santé.

Appréhender que sa rente de retraite soit amputée et ne pas savoir si la prestation de sécurité de la vieillesse et le supplément de revenu garanti seront bonifiés, ça joue aussi sur la santé des citoyens plus âgés. 

Depuis près de deux mois, les mesures d’aide et les programmes se multiplient pour atténuer les effets de la pandémie sur les travailleurs, les étudiants, les entreprises et les organismes communautaires.

Les gouvernements ne ménagent pas leurs efforts, mais les associations qui représentent les personnes âgées, retraitées ou préretraitées constatent et déplorent que celles-ci sont oubliées.

Même s’ils ne sont pas dépendants du personnel d’un CHSLD ou confinés dans une résidence privée pour personnes âgées, des aînés réclament l’aide de Québec et d’Ottawa. Ils craignent les contrecoups de la crise sur leurs revenus. Avec raison. 

Certains voient fondre leurs revenus avec la baisse boursière et estiment qu’ils ont peu de temps pour «se refaire». D’autres craignent pour la survie de leur régime de retraite. D’autres, que les gouvernements endettés ne bonifient pas les mesures de soutien aux personnes âgées, alors que les prix de biens et de services subiront des hausses.

Le premier ministre François Legault l’a affirmé lundi. La situation économique est difficile. «C’est pas beau». Le même constat prévaut ailleurs au pays.

Des faillites d’entreprises sont prévisibles et avec elles, la terminaison de régimes de retraite. 

«Qu’arrivera-t-il aux travailleurs et aux retraités qui devront absorber une perte de rente à cause d’un régime sous-capitalisé?» demande le Réseau FADOQ.

La Fédération canadienne des retraités souhaite depuis une décennie que les retraités soient considérés créanciers privilégiés en cas de faillite. 

Avant la crise, des groupes avaient par ailleurs interpellé Québec afin qu’il instaure un régime d’assurance fonds de pension, mais le ministre Éric Girard estimait qu’il n’y avait pas «d’appétit» pour ça. Le Réseau FADOQ espère qu’il en trouvera.

La semaine dernière, l’Association québécoise des retraité(e)s des secteurs public et parapublic a invité le gouvernement Legault à soutenir les travailleurs déjà pénalisés par la terminaison de leur régime de retraite, et ceux qui risquent de se retrouver dans la même situation à cause de la crise actuelle.

Vendredi, la présidente du Réseau FADOQ, Gisèle Tassé-Goodman, a par ailleurs signalé au comité permanent des Finances à Ottawa que la crise exacerbait la précarité financière des aînés. Le prix de certains produits augmente et la perte d’un cercle de soutien entraîne de nouvelles dépenses pour certains. 

Une personne qui ne peut compter que sur la prestation de la sécurité de la vieillesse et le supplément de revenu garanti dispose d’environ 18 000 $ par an.

C’est moins que la prestation canadienne d’urgence de 2000 $ par mois durant la crise. 

Les libéraux ont promis en campagne électorale d’augmenter de 10 % la prestation de la sécurité de la vieillesse. L’engagement devra se concrétiser.

La crise et le confinement ont été très difficiles pour plusieurs personnes âgées. Le manque de services et l’isolement ont entraîné des pertes cognitives et musculaires chez certaines. Le tort est dans certains cas irréparable. 

Les gouvernements disent mettre tout en œuvre pour corriger la situation et offrir dorénavant de meilleurs services aux personnes âgées et en perte d’autonomie. 

Ils doivent aussi veiller à leur sécurité financière. 

L’atrophie du portefeuille des aînés diminue leur autonomie financière et risque d’engendrer privation, incertitude, problèmes de stress et d’anxiété chez un certain nombre d’entre eux. 

Les services publics de santé et de services sociaux en subiront les contrecoups. Il y aura un coût collectif à payer si nous fermons les yeux sur la précarité financière vécue par certaines personnes âgées.