(Québec) Le Front commun pour la ronde 2023 des négociations du secteur public demande une hausse salariale de 7 % sur 3 ans, à laquelle il ajoute l’inflation. Si les prévisions de la Banque du Canada sont justes, cette augmentation totaliserait donc 23,1 %.

« On perd du personnel, on a de la misère à garder notre monde, on a de la misère à aller chercher notre monde. On espère que lorsque le gouvernement va déposer ses offres, sûrement en décembre, qu’il va comprendre. S’il ne comprend pas, il est clair que nous, on va prendre la rue et on va lui faire comprendre », a affirmé François Enault, premier vice-président de la CSN en point de presse mercredi avec les autres représentants du front commun.

« De bonnes conventions collectives, ça ne se gagne pas seulement à la table de négociation. Ça se gagne avec une mobilisation, ça se gagne dans la rue », a-t-il ajouté.

Le président de la FTQ Daniel Boyer a soutenu cette rhétorique. « On sait qu’on devra exercer un certain rapport de force dans le but de convaincre le gouvernement du bien-fondé de nos demandes », a-t-il souligné.

Les revendications salariales des organisations membres de cette alliance ont été déposées vendredi, et en plus de hausse de 7 % sur trois exigée pour rattraper les conditions de travail des salariés du secteur privé et de la fonction publique fédérale, par exemple, les syndiqués misent surtout sur un outil de protection contre l’inflation.

Protection contre l’inflation

La Confédération des syndicats nationaux (CSN), la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), la Fédération des travailleurs et des travailleuses du Québec (FTQ) et l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) demandent, de manière permanente, l’introduction « d’un mécanisme garantissant, au 1er avril de chaque année, l’indexation annuelle de chaque taux et de chaque échelle de traitement selon l’indice des prix à la consommation pour la période du 1er janvier au 31 décembre précédent ».

Ce mécanisme ne planifie pas d’ajustement à la baisse en cas de déflation. La Banque du Canada prévoyait, au 13 juillet dernier, une hausse de l’Indice des prix à la consommation (IPC) au pays qui devait s’établir à 7,2 % en 2022, puis à 4,6 % et à 2,3 % dans les deux années suivantes.

Pour le Front commun, cela permettrait de protéger le pouvoir d’achat des employés du secteur public.

L’inflation « galopante » est devenue le cheval de bataille des centrales : « Quand tu gagnes 43 000 $ par année et que tu tapes une inflation de 7 %, il y a une répercussion directe dans les poches », a souligné M. Enault.

Mais ces demandes ne sont-elles pas irréalistes ? « Au-delà du réalisme, on le voit en santé et en éducation, il y a quelque chose qui ne marche pas. Et si on n’est pas capable de trouver des solutions, ben ça va péter », a rétorqué M. Boyer.

Lors de la première année, le front commun réclame une hausse de salaire équivalente à l’IPC +2 %, ou une augmentation de 100 $ par semaine, selon ce qui est le plus avantageux pour chaque employé. Pour les plus petits salariés de l’État, ça s’apparenterait à une majoration de 13 à 14 %.

En plus de ces demandes, les syndicats souhaitent que Québec bonifie le régime de retraite gouvernemental, le RREGOP, pour permettre aux employés qui souhaitent travailler après 65 ans puissent continuer d’y contribuer.

Pénurie de personnel

Le Front commun veut également la mise sur pied de primes pour les travailleurs de certaines régions ou localités « aux prises avec des problèmes aigus d’attraction et de rétention », notamment l’Abitibi-Témiscamingue, la Côte-Nord, la Gaspésie et l’Outaouais.

Les centrales syndicales ont repris en 2022 la stratégie d’un grand front commun, qui avait été abandonné en 2019. Le gouvernement Legault, lui, souhaite toutefois poursuivre sa stratégie de bonifier le salaire de certains corps d’emplois plutôt que d’autres.

La présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, l’a d’ailleurs mentionné la semaine dernière. « Le gouvernement devra rétablir de nouvelles priorités pour cette ronde de négociations là. On a réussi, dans la dernière ronde, à mettre des priorités de l’avant et à faire ce que j’appelle, moi, des négociations différenciées, c’est encore l’intention », avait-elle dit.

Malgré cette intention affichée de Mme LeBel, les centrales affirment qu’elles refuseront de jouer dans « ce film-la ». La preuve, disent-ils : le fait que leurs membres ont voté massivement pour reformer le Front commun. « On a beau vouloir viser politiquement certains groupes, la réalité c’est qu’un paquet de monde, des dizaines de catégories d’emplois, dans le réseau scolaire, collégial et de la santé, ont besoin de monde. La pénurie est partout », a plaidé Éric Gingras, président de la CSQ.