Le ripoux du Darknet

Christophe : "Je devenais le ripoux, le paria, le traître." ©Getty - Peter Dazeley
Christophe : "Je devenais le ripoux, le paria, le traître." ©Getty - Peter Dazeley
Christophe : "Je devenais le ripoux, le paria, le traître." ©Getty - Peter Dazeley
Publicité

Christophe, officier de police judiciaire, est recruté comme brigadier à la DGSI. Pendant plusieurs mois, il revend des informations confidentielles sur le darkweb. Enquêteur de police le jour et délinquant la nuit, il raconte cette double vie qui l'a mené en prison. Un récit signé Clément Baudet.

Christophe a 37 ans et vit en Normandie avec son conjoint. À sa vingtaine, il s'engage dans la gendarmerie, mais la quitte pour devenir policier au sein d'un service d'enquête. En 2016, il décroche un poste au service judiciaire de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). "À cette époque, la France est meurtrie par les attentats du 13 novembre et ceux de Charlie Hebdo. Il y a une montée en puissance des services de renseignements et judiciaires pour lutter contre le terrorisme et prévenir des actes terroristes. Il y a énormément de gens à surveiller et la DGSI recrute beaucoup. J'ai été affecté à la lutte contre le terrorisme islamiste radical. J'étais extrêmement fier, mais la culture du secret était nouvelle pour moi. Je ne pouvais pas parler de mon travail à ma famille."

À réécouter : Ma vie d'espion
Les Pieds sur terre
30 min

Pour Christophe et son conjoint, les fins de mois sont rudes financièrement. Un jour, alors que Christophe s'intéresse de près au milieu du dark web pour une enquête en cours, il fait la rencontre de 'Jojodelavega', un faussaire reconnu. "Sur le dark web ce sont des vitrines de commerces comme vous pourriez le voir sur un site standard, mais on vous vend des faux permis, des fausses cartes d'identité, de faux documents, des cartes grises, de la fausse monnaie, des mots de passe pour accéder à différents comptes, de la MDMA, de la cocaïne, du shit. Il y avait vraiment de tout."

Publicité

Christophe : "J'étais dans la merde financièrement."

"Je rentre en contact avec 'Jojodelavega' en lui faisant croire que je souhaite acheter une fausse carte grise. Je lui demande les méthodes pour arnaquer les gens sur Leboncoin et il me donne tous les détails. Je suis plutôt content parce qu'ensuite je rédige un beau procès-verbal qui résume très bien toutes les arnaques du web."

Christophe rentre alors dans les rouages du darkweb et se prend rapidement au jeu. Il se met à vendre des informations disponibles via son poste à la DGSI, sur internet, à 'Jojodelavega' en premier temps, puis il crée son propre business de ventes d'informations où il se fait appeler 'Haurus'. "J'avais accès à énormément de fichiers comme les titres d'identité, ou les relevés téléphoniques... J'étais dans la merde financièrement alors je me suis dit : 'Pourquoi pas.'"

À réécouter : Arnaque en ligne
Les Pieds sur terre
28 min

"Ça devient vraiment une petite entreprise que je gère comme telle : j'ai des avis, je commence à être reconnu sur le web etc. J'ai tellement mis les mains dedans que je ne me rends même plus compte que je suis totalement en dérive."

Christophe : "Je devenais le ripoux, le paria, le traître."

Après plusieurs mois de ventes d'informations secrètes, Christophe se fait arrêter sur son lieu de travail. "Je me lève pour saluer un collègue, mais celui-ci me prend par le bras et me passe les menottes. Je lui demande si c'est une blague, il me répond : 'Haurus, tu connais ?' Je comprends immédiatement et le sol se dérobe sous mes pieds."

"Je risquais un maximum de dix ans de prison. D'un seul coup, j'étais le ripoux, le paria, le traître..."

Après dix-huit mois à la prison d'arrêt de Nanterre, deux mois sous bracelet électronique et l'interdiction formelle d'exercer à nouveau dans la fonction publique, Christophe est en attente d'un second procès. Les informations qu'il a vendues auraient servi pour assassiner plusieurs personnes à Marseille, mettant alors en cause l'ex-policier de la DGSI. "Quand je vois aujourd'hui les conséquences de cette affaire, je voudrais remonter le temps pour m'empêcher de faire ce que j'ai fait."

À réécouter : Cyberattaques
Les Pieds sur terre
32 min
  • Reportage : Clément Baudet
  • Réalisation : Somaya Dabbech

Musique de fin : "The Man Who Sold the World" de Raül Refree et Sílvia Pérez Cruz

Merci à Christophe Boutry

Pour aller plus loin :

Pour afficher ce contenu Spotify, vous devez accepter les cookies pour la finalité Publicité. Ces cookies permettent à nos partenaires de vous proposer des publicités et des contenus personnalisés en fonction de votre navigation, de votre profil et de vos centres d'intérêt.

L'équipe