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Baisse inédite de la consommation de viande dans le monde

Cette année, l’humanité mangera moins de protéines d’origine animale, dans le sillage de la pandémie, selon un rapport de l’ONU. En 2019, la consommation de viande avait déjà diminué. Assiste-t-on à un renversement de tendance, alors que depuis un demi-siècle les abattoirs ont triplé leur production?

L’ONU estime que cette année 333 millions de tonnes de viande seront produites, soit une baisse de 1,9% par rapport à 2019. — © Hyungwon Kang/REUTERS
L’ONU estime que cette année 333 millions de tonnes de viande seront produites, soit une baisse de 1,9% par rapport à 2019. — © Hyungwon Kang/REUTERS

Et si la consommation mondiale de viande venait à baisser durablement? C’est ce que laisse entendre l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) dans un rapport publié cet été. L’institution estime que la production de viande – un bon indicateur pour évaluer la consommation – a baissé en 2019 et elle anticipe pour 2020 un nouveau déclin, dans le sillage de la pandémie.

Deux années consécutives de baisse? Ce serait du jamais-vu depuis que des données en la matière existent. Ces six dernières décennies, la production globale de viande n’a pas cessé d’augmenter. Elle a même triplé en un demi-siècle.

«Il faut que ça aille plus vite»

En 2020, la FAO estime que 333 millions de tonnes de viande seront produites, soit une baisse de 1,9% par rapport à 2019. L’an dernier, 339 millions de tonnes sont sorties des abattoirs et en 2018, l’année du pic, 342 millions. Au début du millénaire, les chiffres oscillaient autour des 200 millions et, en 1980, autour de 100 millions par an.

Une grande partie du recul devrait être due à une baisse de la production de viande de porc, concentrée dans les pays asiatiques touchés par la peste porcine africaine, et de celle de la viande bovine aux Etats-Unis et en Australie, selon Upali Galketi Aratchilage, économiste de la FAO. Sur la base des données de la FAO, Bloomberg calcule que la consommation de viande par habitant en 2020 va diminuer de 3%. Soit la plus grande baisse en vingt ans.

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La pandémie y est pour quelque chose. Elle a contraint de nombreux abattoirs à cesser leur activité, par crainte de la propagation du virus. La crise économique qu’elle a engendrée a pu freiner les dépenses (même si la crise financière de 2008 n’avait pas diminué les appétits carnés). De nombreux restaurants ont fermé leur porte. Mais avant la crise, un nombre croissant de personnes se tournaient vers des régimes plus riches en protéines végétales, pour des raisons environnementales, éthiques ou de santé.

«Un recul de la consommation de viande, c’est positif, mais il faut que ça aille plus vite», indique Mathias Schlegel, porte-parole de Greenpeace Suisse. Dans un rapport, l’ONG estime que la consommation de viande et de produits laitiers doit diminuer de moitié d’ici à 2050 si l’on veut éviter des conséquences désastreuses pour l’environnement. «En Suisse, on met l’accent sur l’origine, locale, de la viande, mais pas assez sur le fait que la Suisse importe plus de la moitié de la nourriture concentrée des animaux d’élevage du pays, notamment du soja brésilien», souligne Mathias Schlegel.

Bœuf, porc et volaille

Les émissions dues à la production de bœuf sont en moyenne dix fois plus élevées que celles dues au porc ou au poulet. Elles viennent notamment de la déforestation engendrée par la création d’espace pour le pâturage et de champs de céréales fourragères. L’élevage représente la première source d’émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine, devant les transports. Le bœuf, le porc et la volaille représentent plus de 85% de la production globale depuis une soixantaine d’années.

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La volaille, peu consommée il y a une cinquantaine d’années, connaît les taux de croissance les plus importants depuis plusieurs décennies. Elle est suivie du porc. La viande de bœuf, elle, est chaque année moins prisée. Chaque humain consomme désormais en moyenne une quinzaine de kilogrammes de viande de porc et de volaille par an, contre huit kilos de bœuf. La production mondiale de volaille devrait d’ailleurs continuer à croître, mais à un taux inférieur à celui des années précédentes, selon la FAO.

En Suisse, la tendance est similaire: la production de viande a longtemps augmenté avant de baisser l’an dernier et, par habitant, elle diminue depuis quelques années. En 2000, chaque habitant a mangé en moyenne 51,9 kg de viande, un chiffre qui tourne désormais autour des 48 kg par an. Dans les années 1980, on mangeait surtout du porc. En Suisse, la volaille a le vent en poupe et la consommation de bœuf est stable.